dimanche 31 janvier 2010

Yves Tanguy, Multiplication des arcs (1954)

Yves Tanguy (1900-1955) est une des figures les plus mystérieuses du surréalisme. Il a vécu à Paris pendant les années les plus vivantes du mouvement, puis il est allé à New York avec sa nouvelle épouse, l’artiste Key Sage, vers 1940, où il a vécu jusqu’à sa mort.

Contrairement à Max Ernst, qui s’est continuellement réinventé pendant toute sa carrière, Tanguy a trouvé sa voie (et sa voix) au tournant des années 1930 et il est demeuré fidèle à lui-même pendant les vingt-cinq années suivantes. Quels que soient les agencements de couleurs et de formes, ses tableaux ont une grande cohérence, ils participent à une même vision du monde – étrange et inquiétante, mais très belle, aussi. Sa peinture a des points en commun avec celle de Dali, mais le monde de Tanguy est unique, sur la planète surréaliste. On ne parviendra sans doute jamais à imposer une seule signification aux formes produites par Tanguy… tant mieux!



La peinture de Tanguy qui m’a le plus fasciné, dès le départ, est aussi une de ses dernières (sur laquelle il aurait travaillé pendant des mois). On y retrouve un paysage caractéristique du peintre, avec des formes organiques difficiles à identifier (ossements? fossiles? créatures de sous les mers?) et un vaste horizon, mais ces formes sont plus nombreuses qu’à l’habitude, elles composent un univers encore plus rempli. On peut y voir une sorte d’aboutissement de son œuvre, qui achevait déjà car Tanguy est mort l'année suivante.

Ce tableau est censé appartenir à la collection du Museum of Modern Arts (MoMA) de New York, mais je ne l’y ai encore jamais vu…

mardi 26 janvier 2010

Otto Dix, Autoportrait en soldat (1914)

J’éprouve un grand intérêt pour les expressionnistes, mais j’ai découvert l’œuvre de Dix (1891-1967) sur le tard, en feuilletant un livre introductif sur l’expressionnisme. L’expressionnisme pratiqué par des artistes comme Dix et Georg Grosz, qu’on pourrait qualifier de « grotesque » ou de satirique, m’emballe un peu moins que l’expressionnisme lyrique et inquiétant d’un Van Gogh ou d’un Soutine, par exemple.

Ce n’est pas toujours vrai, cependant : les œuvres que Dix a consacrées à la première guerre mondiale (à laquelle il a participé) sont d’une puissance extraordinaire. Ces peintures et ces eaux-fortes ne peuvent être oubliées après qu’on les ait vues. Je pense notamment au cycle d’eaux-fortes La guerre (1924; Der Krieg), digne de Goya; au triptyque lui aussi intitulé La guerre (1932), que j’ai vu à Dresden (où Dix enseignait avant d’être congédié par les Nazis, qui le considéraient comme un « artiste dégénéré ») et qui m’a énormément ému et impressionné; mais je pense aussi à une image beaucoup moins ambitieuse, réalisée à l’encre et à l’aquarelle, plusieurs années auparavant : l’Autoportrait en soldat (1914).



Mon intérêt pour cette image est difficile à expliquer (le mystère de l’art est insondable…). Elle porte la violence de plusieurs autres images guerrières de Dix; une violence qui est ici exprimée par une esthétique très proche de celle du graffiti (pour les motifs emportés et la présence des chiffres et des lettres). Le regard du personnage n’est pas moins vif que ses traits.


J’ai osé recadrer cette image pour en faire mon avatar, sur ce blogue (voir mon profil)… sans trop comprendre ce que ce geste sous-entend!

samedi 23 janvier 2010

Egon Schiele, Soleil d'automne et arbres (1912)

Tout comme son ami et mentor Gustav Klimt (1862-1918), Egon Shiele (1890-1918) est célèbre pour ses figures étranges, intensément expressionnistes; pour ses nus anguleux, entre autres.



Si je les apprécie beaucoup, ses arbres, bizarrement, me frappent encore plus. Ils font vaguement penser à des estampes, mais ils portent la marque de Schiele. Dans cette image mystérieuse, le soleil du titre est assez subtil et se fond dans l’arrière-plan. En tant que forme, l’arbre se prête très bien à un traitement pictural, et celui de Schiele est un des plus intéressants, à mon avis…

mercredi 20 janvier 2010

Vincent Van Gogh, Champ de blé avec cyprès (1889)

J’aurais pu consacrer toute une section à Van Gogh (1853-1890) parce qu’il est l’un de mes peintres préférés... d’autres images s’ajouteront d'ailleurs au cours des prochains mois. Je débute cependant avec le tableau qui m'a le plus impressionné quand j’ai visité pour la première fois le musée Metropolitan, à New York.



J’ai cherché partout sur le Web, espérant trouver une reproduction qui puisse donner une idée (au moins relative) de sa très grande force, sans véritable succès. Cette reproduction ne lui rend pas vraiment justice : la peinture illumine l’espace, et même si la salle dans laquelle elle est exposée comporte d’autres grands tableaux de Van Gogh, c’est elle qui attire le regard. Les couleurs et la composition (l’image peut être lue de droite à gauche – Van Gogh adorait les estampes japonaises et en possédait une collection bien garnie) sont fantastiques…

mardi 19 janvier 2010

Odilon Redon, Le rêve (1904)

J’ai découvert l’œuvre de Redon (1840-1916) par l’entremise de l’écrivain Joris-Karl Huysmans et de son roman À rebours (1884). Dans ce livre, Huysmans décrit avec attention la vaste collection (puisée surtout chez les symbolistes) que possède son héros décadent, Des Esseintes. Il a aussi avoué son admiration pour son contemporain Redon dans d’autres textes.


De nombreuses images de Redon me captivent (des dessins en noir du début [dont plusieurs inspirés par Edgar Allan Poe] aux pastels et aux huiles en couleurs des dernières décennies), et il est fort probable que j’en ajoute quelques-unes dans ce Musée. Pour débuter, je vous propose toutefois une œuvre qui, étrangement, ne figure pas dans mes quelques livres consacrés à Redon. Je ne l’ai donc vue ni dans mes livres, ni « en personne ». Je dois me contenter d’une image virtuelle, mais j’adore cette peinture (avec ajouts au pastel?). C’est une de ses œuvres les plus abstraites. Elle illustre parfaitement son titre, à mon avis… le rêve est fascinant, mais il nous échappe toujours! C'est un thème qui a toujours intéressé Redon -- son premier album de lithographies portait pour titre Dans le rêve (1879).

dimanche 17 janvier 2010

René Magritte, L'empire des lumières II (1950)

René Magritte (1898-1967) est un de mes peintres préférés – non seulement parmi les surréalistes, mais parmi tous les peintres. Il est l’un des plus accessibles, parce que ses images sont peintes avec un réalisme assez prononcé, et les objets représentés nous sont presque toujours familiers… mais c’est la représentation qui change tout : le familier devient étranger, ce qu’on croyait connaître nous est présenté de façon inattendue.

Magritte réunit constamment des choses qui, habituellement, ne sont pas rapprochées : un grand nombre de ses peintures orchestre un choc entre des éléments contraires.


Une de ses images les plus caractéristiques (peut-être ma préférée entre toutes) est la rencontre du jour et de la nuit, dans la série de toiles qu’il a intitulée L’empire des lumières. Il en a peint au moins une vingtaine dans différents formats, mais selon un principe invariable.

J’inclus ici le tableau que j’ai vu au Museum of Modern Arts de New York. Il est de forme rectangulaire, alors que la plupart des versions de L’empire des lumières sont de forme verticale. Il confond au premier regard parce que la rencontre impossible est peinte avec un grand souci de réalisme. L’incongruité de l’image ne frappe qu’après coup.

Richard Oelze, L'attente (1935-36)

Mon admiration pour le mouvement surréaliste date de plusieurs années déjà. Tout en étant fasciné par l’œuvre des artistes surréalistes les plus connus (mes messages des prochaines semaines et des prochains mois le prouveront), je suis toujours heureux d’en apprendre un peu plus sur des artistes qui ont œuvré dans l’ombre.

Richard Oelze, un peintre allemand né en 1900 et mort en 1980, est de ceux-là. Il a passé du temps à Paris pendant les années trente, gravitant autour de la « nébuleuse surréaliste » avec Breton, Ernst, Eluard, Brauner et les autres. Il a participé aux deux guerres. Il est rentré en Allemagne à la fin des années trente pour y demeurer jusqu’à sa mort.


Ma connaissance de son œuvre est très limitée, mais j’ai fait une belle découverte pendant ma visite de l’été 2008 au Musée des Beaux-Arts du Canada, à Ottawa, pour l’exposition Les années 1930 : la fabrique du nouvel homme – L’attente (1935-36); son titre allemand est Erwartung. Le thème est sombre, les couleurs le sont aussi, et on déduit facilement que l’attente du titre concerne une réalité insoutenable… mais infiniment mystérieuse. L’imagerie est assez proche de celles d’Ernst (surtout ses décalcomanies) et de Magritte (les figures à chapeaux et le vaste ciel), mais elle lui appartient en propre.

Le tableau est censé appartenir au Museum of Modern Arts de New York, mais je ne l’y ai pas vu pendant mes deux visites...